L'énigme de la baie Missisquoi

Un article de Violaine Ballivy, paru dans La Presse, édition du samedi 22 septembre 2007

C'est à y perdre son latin. La baie Missisquoi, d'ordinaire l'un des plans d'eau les plus pollués par les cyanobactéries, a été épargnée par la déferlante bleue cet été, au moment même où le problème atteint des proportions inégalées à l'échelle de la province. Un paradoxe qui laisse les spécialistes pantois.

«C'est une énigme. Ou un petit miracle», affirme Chantal D'Auteuil, directrice de la Corporation du bassin versant de la baie Missisquoi. Les concentrations de phosphore y seraient légèrement en baisse cette année, mais pas de façon assez significative pour expliquer une amélioration aussi spectaculaire. La température de l'eau a dépassé les 25 C, le soleil s'est fait bien présent. Bref, tous les éléments étaient présents pour que l'eau s'y transforme, cette année encore, en épaisse soupe verte, dit-elle.

«Je n'ai pas la moindre idée de ce qui s'est passé, et je n'ai pas honte de le dire. Personne ne comprend», dit David Bird, biologiste à l'UQAM et spécialiste de cet appendice du lac Champlain. «Mais c'est pour nous une occasion fantastique d'étudier les mécanismes qui contrôlent le développement des cyanobactéries.»

Son équipe tentera de déterminer en quoi l'été 2007 a été différent des précédents. Elle comparera les données recueillies à celles de 2000, une autre année mystérieusement sans cyanobactéries. «Peut-être qu'il y a un cycle dans la croissance du zooplancton qui se nourrit des algues. Peut-être aussi qu'il a venté davantage, ce qui nuit au développement des algues... Peut-être aussi que les inondations, en octobre 2006, ont permis de nettoyer le lac. Il y a beaucoup de pistes à explorer», explique M. Bird. D'autres chercheurs suggèrent que le phosphore ne serait pas le seul agent nécessaire à la prolifération des cyanobactéries, mais que celles-ci auraient aussi besoin de fer et de bore, deux éléments dont les concentrations auraient chuté.