Baie eutrophiée, riverains atrophiés : pour combien de temps encore?

Dimanche, 24 juillet 2005.
Journée ensoleillée. Ciel bleu. Petite brise. Calme caractéristique de Philipsburg. Malgré la période des vacances, la surface du lac est quasi déserte. Il y a bien cette volée d'oies blanches qui vient tout juste de se poser à quelques dizaines de mètres de la rive et, un peu plus au nord, une petite embarcation qui semble avoir jeté l'ancre comme pour arrêter le temps; mais rien d'autre. J'aime bien éviter la 133 et ses quatre voies qui la font se croire une autoroute pour profiter plutôt de la tranquillité du bord du lac limitrophe de Philipsburg et y respirer l'air du large à pleins poumons.

Profiter de la tranquillité du bord du lac limitrophe de Philipsburg
et y respirer l'air du large à pleins poumons.

Je croise un petit groupe de touristes qui viennent de sortir du Bergelac voisin pour aller nulle part, n'ayant nulle part où aller. Peut-être auraient-ils aimé batifoler dans une boutique d'artisanat ou d'antiquités, ou bien prendre le brunch au restaurant du quai... mais il n'y a pas de boutique d'artisanat ou d'antiquités à Philipsburg, ni d'autre boutique qu'une friperie courageuse et sympathique. Et il n'y a plus de restaurant au quai : faute de villégiateurs en nombre suffisant, l'immeuble n'a pas trouvé preneur cette année. « À vendre », peut-on lire à travers sa façade vitrée, sur une affiche déposée parmi le mobilier empilé. Année après année, Philipsburg s'atrophie économiquement.

Conséquence d'une eutrophication qui dure depuis dix ou quinze ans :
les algues cyanobactériques toxiques.

C'est que la baie a beau se montrer belle au loin et le ciel a beau essayer d'y faire miroiter son bleu azuré, c'est peine perdue sur la berge où apparaît son vrai visage. La baie n'en peut plus : elle étouffe et vire au vert malgré elle sous les algues cyanobactériques toxiques conséquence d'une eutrophication qui dure depuis dix ou quinze ans. Malade, la baie est mise au ban parce que sa maladie est contagieuse : on l'évite, on la boude, on lui tourne le dos, on l'ignore comme si elle était atteinte de la peste verte.

En bref : Attention, l'eau du lac peut être toxique :
regardez sans toucher et sans inhaler
lorsqu'il y a présence de 'fleurs d'eau' verdâtres...

Sur un poteau face au lac, une longue mise en garde avise la population des dangers encourus et des mesures à prendre en cas de contact avec les cyanobactéries... En bref : Attention, l'eau du lac peut être toxique : regardez sans toucher et sans inhaler lorsqu'il y a présence de 'fleurs d'eau' verdâtres...

Ça fait des années que ça dure. Plus de fleurs d'eau une année, moins l'autre... Mais ça revient, inexorablement, encore et encore... Trop de phosphore dans la baie : deux fois la limite tolérable, disait-on encore cette semaine dans un reportage diffusé en reprise à La semaine verte de la SRC. Selon le récent rapport State of the Lake le bassin versant de la baie Missisquoi bat tous les records en apport de phosphore (167,3 tonnes métriques en 1991, soit 26,5 % du phosphore charrié par l'ensemble du bassin versant du lac Champlain dont il n'occupe pourtant que 14.6 % de la surface).

Bien sûr, nos gouvernements ont depuis ce temps signé un accord visant à réduire considérablement et rapidement l'apport de phosphore. Mais les résultats concrets se font attendre : apparemment, du moins, car les cyanobactéries sont ostensiblement présentes dans la baie de façon récurrente. Qu'en est-il au juste de cette réduction? Quelles sont les mesures effectivement mises en place jusqu'à maintenant pour contrer l'eutrophisation? Comment fait-on le contrôle des quantités de phosphore charriées par les cours d'eau tributaires de la baie? Quels sont les résultats concrets, d'année en année, depuis la mise en vigueur de l'accord? Les mesures sont-elles coercitives? Qu'arrive-t-il aux contrevenants? Quelles sont les chances, les garanties peut-être, pour qu'en 2009 la vie normale puisse reprendre dans nos collectivités riveraines?

Ici la baie Missisquoi est à la recherche des réponses à ces questions. Les articles des prochains jours et des prochaines semaines en témoigneront.

Photos prises le 24 juillet 2005 par IciLBM : reproduction interdite.