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Le lac Champlain est malade à cause de chacun de nous

Par Mary Watzin

    Article publié dans The Burlington Free Press, édition du 15 décembre 2003. Titre original : « Lake's Health Reflects All of Us ». Mary C. Watzin dirige le Rubenstein Ecosystem Science Laboratory, Rubenstein School of Environnment and Natural Resources of the University of Vermont. On peut trouver ici une reproduction numérisée de l'article original. Traduction et reproduction avec la permission de l'auteure.

La plupart de mes recherches en sciences de l'environnement visent à essayer de comprendre comment les humains que nous sommes en arrivent à polluer le lac Champlain.

Chaque fois que j'observe l'eau du lac, je constate qu'elle n'est rien d'autre que le reflet de nous tous qui vivons aujourd'hui dans son bassin versant aussi bien que de celles et ceux qui y ont vécu avant nous.

C'est comme si la signature de nos activités était distinctement gravée dans l'eau, dans la boue accumulée au fond du lac et sur les êtres vivants qui y ont trouvé refuge.

Le phosphore est sans doute ce qui menace le plus la santé du lac Champlain. Pourtant, le phosphore est un nutriment essentiel à la croissance des plantes; trop de phosphore stimule cependant exagérément la croissance, exactement comme les fertilisants que vous utilisez dans votre jardin.

Dans certaines parties du lac, cette hypercroissance fait passer la couleur de l'eau au vert tellement il y a de minuscules plantes aquatiques qui flottent et tellement il y a abondance d'algues.

Parmi ces algues qui prolifèrent, une espèce est particulièrement inquiétante : ce sont les algues bleues.

Cette simple plante est à l'origine de problèmes complexes notamment dans la baie Missisquoi et dans celle de St.Albans où elle s'accumule en épaisses couches à la surface de l'eau durant l'été.

Cette surabondance d'algues bleues nous empêche de profiter du lac à des fins récréatives certes, mais pire encore, constitue un danger pour la santé à cause des cyanobactéries toxiques qu'elles produisent.

Et c'est nous qui sommes les responsables du surplus de phosphore : il vient de nos usines de traitement des eaux usées, de nos fermes, de nos maisons et de nos animaux de compagnie.

Au Laboratoire Rubenstein, nous mesurons depuis plusieurs années les quantités de phosphore dans différents cours d'eau en milieux agricole et urbain ainsi que dans l'eau de ruissellement.

Nous avons ainsi pu constater qu'en période de pluie les zones urbaines produisent de très grandes quantités de phosphore, et que la source de ce phosphore, ce sont nos gazons, nos jardins, nos espaces de stationnement.

La quantité de phosphore contenu dans l'eau de pluie est intimement liée à nos façons de fertiliser nos gazons, de dresser nos animaux de compagnie et d'entretenir nos véhicules. Et le problème est amplifié par le phosphore qui provient des terres agricoles et des usine de traitement des eaux usées.

Mais il n'y a pas que le phosphore. Nous déversons également bien d'autres polluants dans le lac : des pesticices, des produits pétroliers, du mercure ainsi que des résidus de plomb, de nickel, d'arsenic, d'argent et de zinc. Ces matières toxiques proviennent de nos automobiles, de nos matériaux de construction et des autres activités humaines.

Certains de ces polluants sont transportés dans le lac par l'eau de ruissellement après les pluies. D'autres y aboutissent par les cours d'eau qui s'y déversent, dans lesquels nous les avons laissés s'écouler plutôt que de les éliminer par des traitements appropriés. En arrivant dans le lac, plusieurs de ces polluants se disséminent dans l'eau en fines particules et finissent par s'accumuler au fond parmi les sédiments.

Même si nous ne pouvons encore évaluer les effets d'un grand nombre de ces polluants à l'échelle du lac dans toute son étendue, nous pouvons quand même les constater sur la faune et la flore aquatiques présentes dans les zones étudiées : à partir des échantillons de sédiments récoltés, nous pouvons retracer l'histoire de l'activité humaine sur les terres environnantes.

Les êtres vivants dans le lac témoignent également de la responsabilité qui est la nôtre. Il y a 12 ans, par exemple, il n'y avait pas de moules zébrées dans le lac. C'est nous qui les y avons amenées. Aujourd'hui, il y en a partout : elles sont en train de changer radicalement les écosystèmes et, conséquemment, nos rapports avec le lac.

Les moules zébrées ne sont que le dernier élément de la liste des espèces introduites par les humains dans le lac; sur cette liste on trouve notamment la châtaigne d'eau, la myriophylle en épi et la perche blanche.

L'état actuel du lac Champlain est le résultat cumulatif de toutes les activités humaines. Chaque geste a son importance. Comme scientifique, je ne puis ignorer les causes individuelles des problèmes.

Tout comme il a fallu plusieurs années et un grand nombre d'actions invidivuelles pour amener la dégradation du lac, il en faudra autant et beaucoup de temps pour le regénérer.

Il y a cependant un bon côté à cette histoire : celui de pouvoir affirmer que si nos activités passées ont pu créer la problématique actuelle du lac, nos activités futures pourront tout autant contribuer à sa revitalisation.

Dans ce contexte, chacun de nos gestes est important. L'avenir de la santé du lac Champlain est entre nos mains.

    Illustrations : adaptation de 4 posters du Lake Champlain Basin Program. Les posters originaux (en anglais) peuvent être commandés ou téléchargés ici (format pdf).

 

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