Pourquoi avez-vous laissé tomber la baie Missisquoi en 2006?

LETTRE OUVERTE
à tous les élus à qui les citoyennes et les citoyens de la région de la baie Missisquoi on accordé leur confiance, en particulier :
à nos députés à l'Assemblée Nationale, MM. Pierre Paradis et Jean Rioux;
à notre ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, M. Claude Béchard;
au Premier Ministre du Québec, M. Jean Charest;
à notre député à la Chambre des Communes, M. Christian Ouellet;
au Premier Ministre du Canada, M. Stephen Harper.

Au moment où j'écris ces lignes, un avis de santé publique est en vigueur à la baie Missisquoi depuis le 24 juillet dernier. Depuis cinq mois. Cinq années plus précisément, puisque depuis 2001, un tel avis nous 'tombe dessus' année après année.

« Pour protéger votre santé, il faut dès maintenant et jusqu'à ce qu'un avis contraire soit émis : éviter tout contact avec l'eau dans la Baie Missisquoi, (baignade, sports nautiques, usage pour la douche ou le bain); les enfants sont plus à risque d'être exposés et doivent faire l'objet d'une surveillance accrue; ne pas consommer l'eau non traitée dans la Baie Missisquoi et ne pas l'utiliser pour préparer ou cuire des aliments (bouillir l'eau n'éliminera pas les toxines); ne pas consommer les poissons provenant de la baie Missisquoi; ne pas laisser les animaux boire ou jouer dans cette eau. » (C'est nous qui soulignons en gras.)

La couleur de la baie Missisquoi
photographiée via satellite

Depuis 2001 et même avant, vous avez fait des promesses, vous avez même pris officiellement l'engagement avec l'État du Vermont de régler le problème pour 2009, année du 400e... Vous avez défrayé des études d'experts, vous avez reçu des rapports et les avez même publiés au grand jour. Or, tous arrivent à la même conclusion : les tributaires de la baie Missisquoi y charrient trop de phosphore... Vous avez même encouragé la réalisation de quelques projets pilotes qui ont permis de protéger quelques hectares de tourbières et de revitaliser quelques mètres de berges...

En 2006, nous étions cependant en droit d'attendre beaucoup plus, surtout après les conclusions de la Commission Mixte Internationale l'an dernier : « La Commission recommande que le Vermont et le Québec augmentent leurs investissements financiers et accélèrent leurs programmes respectifs de réduction des concentrations de phosphore dans la baie. » Nous étions en droit d'attendre que vous preniez enfin les mesures énergiques qui s'imposent pour limiter la prolifération du phosphore dans le bassin versant de la baie Missisquoi.

Mais vous ne l'avez pas fait; vous n'avez rien fait hormis quelques timides investissements pour le traitement des eaux usées de quelques municipalités. En 2006, vous avez laissé tomber la baie Missisquoi! Vous avez même - en les sous-finançant - paralysé le travail et éteint la ferveur des deux organismes citoyens qui y consacrent temps et énergies depuis des années et qui sont maintenant à bout de souffle : la Corporation bassin versant baie Missisquoi et Conservation baie Missisquoi!

Or, je vous l'apprends peut-être, la quantité de phosphore qui se retrouve dans la partie québécoise du lac Champlain, loin de diminuer, a augmenté cette année : les derniers rapports préliminaires le démontrent (nous attendons toujours la publication du rapport officiel du MDDEP); l'avis de santé publique encore et toujours en vigueur aujourd'hui le confirme.

Vous connaissez pourtant le problème de la baie Missisquoi. Vous en connaissez aussi les solutions. Comment pouvez-vous y rester indifférents, vous qui aimez tellement affirmer sur toutes les tribunes que vous êtes favorables au développement durable et responsable, vous qui avez même voté unanimement cette année une Loi qui énumère en noir sur blanc les principes de ce type de développement?

Combien de temps devrons-nous attendre encore pour qu'enfin vous mettiez de l'avant un plan d'action concret comprenant une règlementation obligeant à renaturaliser les berges de tous les tributaires de la baie, un échéancier de réalisation ainsi que les budgets nécessaires à l'opération, notamment pour compenser les producteurs agricoles qui s'en trouveraient à court terme lésés?

Un tel projet, messieurs, un tel chantier de reforestation des berges pourrait même faire d'une pierre trois coups : revitaliser à la fois l'eau de la baie et l'économie stagnante de notre région -- car elle stagne elle aussi, comment pourrait-il en être autrement --, et redonner progressivement confiance à la population en mal d'agir. Un tel projet pourrait nous redonner confiance en l'avenir de cette belle région actuellement menacée par les cyanotoxines persistantes. Parions que cela pourrait même ranimer notre confiance collective dans la capacité qu'ont nos élus d'agir à bon escient.

À moins que nous attendions trop de vous? Sinon, avez-vous une seule bonne raison d'avoir laissé tomber la baie Missisquoi?


Revitalisante année 2007 à vous, fidèle lectrice et lecteur!

Jean Trudeau, éditeur
Ici la baie Missisquoi
21 décembre 2006