Les répercussions du parachèvement de l'autoroute 35 valent-elles qu'on s'y arrête?

L'enjeu de cette première consultation publique est de déterminer si l'évaluation environnementale doit faire l'objet d'une étude approfondie ou si elle peut tout simplement être renvoyée à un médiateur ou à une commission d'examen. Détail important à noter : « Si le projet doit faire l'objet d'une étude approfondie, les autorités responsables doivent veiller à ce que le public puisse y participer. »
Bref, voulons-nous, comme citoyennes et citoyens, être partie prenante de ce projet de développement majeur dans notre région ou simplement en subir les répercussions selon les modalités qu'auront fixées les experts des différents gouvernements impliqués.
Le défi, c'est de nous projeter dans cinq ou dix ans et d'imaginer la circulation donc la vie à l'est et au nord de la baie Missisquoi lorsque la région sera coupée en deux par cette autoroute 35 Montréal-Boston. Imaginer que l'achalandage actuel sera au moins doublé; que le transport par camions sera, lui, sans doute triplé. Il ne faut pas l'oublier : le parachèvement de l'autoroute 35 vise d'abord à renforcer le corridor de commerce qui emprunte actuellement la route 133 et non à renforcer le développement local.
Toute autoroute est un mur qui sépare et parfois isole les habitants de la région où elle s'installe à demeure. L'observation nous fait constater que les autoroutes contribuent bien peu à l'économie des petites municipalités qui en sont 'riveraines', sauf en périphérie urbaine où elles peuvent générer un certain développement -- souvent de type étalage urbain --, sauf aussi aux entrées/sorties où s'agglutinent généralement les pétrolières et les chaînes nationales de restauration rapide -- ce qui n'a rien à voir avec l'économie d'une municipalité, mis à part des revenus fiscaux et quelques emplois au bas de l'échelle.
Nous avons jusqu'au 21 septembre pour dire à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et jusqu'au 29 octobre, au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement que nous voulons nous prononcer sur le genre d'autoroute qui serait acceptable dans notre région. Le projet actuel prévoit quatre 'percées' principales dans ce mur entre Iberville et la frontière : une à Saint-Alexandre, une à Saint-Sébastien et deux à Saint-Armand.

La construction de l'autoroute 35 est inéluctable et sans doute souhaitable à bien des égards, d'autant plus qu'elle s'inscrit dans le courant du commerce international en pleine croissance. C'est à nous cependant de dire à quelles conditions nous accepterons son intrusion dans notre milieu et quelles mesures nous souhaitons voir appliquées pour en limiter les inconvénients et les effets négatifs sur notre environnement.
Là où nous pouvons faire valoir nos points de vue en tant que citoyennes et citoyens qui devront à la fois vivre avec et en bénéficier, c'est dans la localisation et l'aménagement des échangeurs, ces percées dans le mur, de façon à maintenir au mieux certains liens physiques qui nous ressemblent et nous rassemblent depuis toujours.
Le cas le plus sensible est celui de Saint-Armand. En 1999, Philipsburg et Saint-Armand se sont volontairement fusionnés pour devenir officiellement une seule et même municipalité. Fusion administrative réussie; fusion citoyenne encore bien fragile cependant. Or, l'autoroute 35 risque de séparer et d'isoler ce que les lois municipales et un certain bon sens ont durement voulu unir il y a 15 ans. Avons-nous assez d'imagination pour concevoir deux échangeurs qui permettent concilier la poursuite de l'unification des deux entités avec le développement ou nous contenterons-nous de la solution financièrement plus acceptable mais sans vision communautaire que nous imposeront des ingénieurs experts en gros oeuvres?
Au nord et au nord-est de la baie, comment l'échangeur prévu à Saint-Sébastien pourrait-il favoriser le développement des municipalités riveraines de Venise-en-Québec et de Pike River plutôt que susciter la venue en îlot des géants de la restauration rapide? N'est-ce pas important d'y penser dès maintenant, d'avoir une vision à long terme et de nous assurer d'être entendus à ce sujet? N'est-ce pas l'occasion de travailler à créer « une âme nouvelle, un esprit nouveau dans la région », pour prendre les mots de Jacques Landry, à élaborer un concept de développement complémentaire intermunicipal au sein de nos municipalités rurales en mettant au rancart les vieilles rivalités?
L'évaluation publique du prolongement de l'autoroute 35 doit dépasser l'environnemental, l'intégrer certes, mais aussi faire une étude approfondie qui tienne compte de la définition du développement durable :
(...) le développement durable repose sur un agencement hiérarchisé de ses trois pôles environnemental, économique et social, à travers lequel le développement respecte l'intégrité de l'environnement en préservant les grandes régulations écologiques (climat, biodiversité, eau, etc.), contribue effectivement au mieux-être des personnes et des sociétés et instrumentalise l'économie à cette fin.
Corinne Gendron, « Le Québec à l'ère du développement durable »
Et il faut qu'une étude approfondie soit menée en concertation avec le milieu afin que soient conciliés, dans la réalisation du projet définitif, les aspects économiques, environnementaux mais aussi humains rattachés à cette importante infrastructure routière dans la région de la baie Missisquoi. Manifestons donc notre volonté collective d'être consultés sérieusement sur le projet de prolongement de l'autoroute 35. Parce que c'est nous qui habitons dans cette région et, à ce titre, nous qui sommes responsables de la qualité de vie qui y prévaut et qui y prévaudra dans les décennies à venir.
- Cartes : Parachèvement de l'autoroute 35 (Document PDF du ministère des Transports du Québec)
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